Mono – analyse et présentation d’album

Mono – analyse et présentation d’album
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  Lorsque l’on parle de musique coréenne et surtout de Kpop, la plupart des personnes non familières avec les productions de ce pays tendent rapidement à les catégoriser comme commerciales et vides de sens, en se reposant uniquement sur leurs idées reçues. En effet, cette musique est souvent vue comme trop manufacturée par les labels des différents groupes qui ont été créés de toutes pièces. Il est vrai que ces clichés reposent sur plusieurs aspects problématiques et réels, seulement ils tendent à faire oublier l’importance et l’implication des artistes dans leurs productions. Il existe effectivement plusieurs groupes qui ont une grande liberté dans leur processus créatif comme c’est le cas pour BTS ou encore Stray Kids qui produisent, écrivent et composent leurs œuvres. De même, il est important de ne pas oublier que les musiciens et chanteurs coréens ne font pas tous de la Kpop. Il existe plusieurs artistes comme Dean et Zico qui sont indépendants et font de la R&B et du rap ; mais aussi des groupes de rock et d’indie dont les plus notables sont Day 6, The rose et N.flying. L’album que je compte présenter et analyser dans cet article aura pour but de vous intéresser à cette musique en vous montrant qu’elle n’est pas aussi simple et commerciale qu’on pourrait le penser au premier abord. 

 

L’album en question est MONO, deuxième mixtape solo de RM leader et rappeur du groupe BTS, de son vrai nom Namjoon. Cet album sorti le 23 octobre 2018 contient un total de sept titres qui traitent des thèmes de la solitude, la tristesse, la rupture, le temps et l’identité. Dans cette œuvre, Namjoon se positionne comme seul narrateur et personnage, ce qui apparaît dès la lecture du titre. Effectivement, le terme mono vient du grec mónos” qui signifie seul. Cependant, il a aussi un autre sens ici puisqu’il fait référence à l’antonyme du stereo: ici RM utilise une seule fréquence, il est le seul qu’on entend indépendamment de son groupe et de la musique qu’ils produisent. C’est donc un album très personnel et introspectif. Ce titre est aussi un avant goût des thématiques qui seront abordées puisqu’il laisse déjà transparaître la solitude et la tristesse de l’artiste.

   https://en.wikipedia.org/wiki/File:RM_Mono.png
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Ces deux sensations font office de sujets principaux dès les premières lignes de l’album. RM commence son morceau introductif Tokyo par la phrase “wake up in tokyo felt like a torso/tourist so (en fonction des versions) . L’artiste y décrit son ressenti en se comparant à un torse donc à un être incomplet. Ce sentiment est renforcé dans la deuxième version dans laquelle il se décrit comme un touriste montrant ainsi qu’il n’est pas à sa place dans une ville aussi grande que Tokyo et plus généralement dans le monde. Il poursuit ensuite en faisant référence au personnage de Pinocchio qui dans la version du conte originel de Carlo Collodi n’était au départ qu’un torse. Mais, cette allusion a aussi pour but de montrer le manque de contrôle de Namjoon sur lui-même qui se sent telle une marionnette. Il est en proie à l’aliénation, d’autant plus qu’il fait partie d’une industrie où il est difficile de laisser transparaître sa personnalité ce qui amplifie sa solitude. Cette dernière dont nous fait part l’artiste est aussi liée à sa position de personnalité publique et star mondiale ce qu’il montre par l’allusion à deux grandes villes, Tokyo et Séoul (deuxième titre de l’album), dans lesquelles il doit souvent se rendre. C’est donc dans ces mégapoles où règne la démesure que sa solitude se manifeste le plus. Néanmoins, la capitale coréenne où il vit encore aujourd’hui garde une place  importante pour ce dernier.

Ainsi, dans son second morceau Séoul, Namjoon  s’appuie sur le lien qui l’unit à cette ville pour alimenter son introspection. Durant la première partie il commence par expliquer son attachement incompréhensible à cette dernière puis il conclut par la phrase “why do you sound so much like soul” qui servira de tremplin pour le reste de la chanson. En effet, ici l’artiste se réfère à l’homophonie entre Séoul et le terme anglais “soul” qui signifie âme et fait donc allusion à sa personne. C’est à partir de ce moment qu’il comprendra le lien fort qu’il entretient avec la ville et fera de Séoul le macrocosme dont il se servira alors pour s’observer et mieux se comprendre. Il utilisera plus particulièrement cette association pour décrire la relation d’amour et de haine qu’il entretient avec lui-même. Il commence par dire “why does love and hate sound the same to me?” soit “pourquoi les  termes amour et haine sonnent pareil pour moi?” ,puis il l’illustrera et appliquera à sa situation en jouant sur les termes. Effectivement, en parlant de Séoul, il dit  “I’m livin’ you” et ensuite “I’m leaving you” qui représentent respectivement l’amour et la haine pour la ville mais qui sonnent pareil lorsqu’il les prononce. Ainsi, en reflétant cette dichotomie sur la ville, il parle de sa relation à lui-même.

Mais, le rappeur sait bien qu’il n’est pas le seul à souffrir de sa solitude et sa tristesse et aimerait de ce fait aider tous ceux qui vivent la même chose. Le titre qui suit  intitulé Moonchild est ainsi dédié à tous les rêveurs, tout ceux qui ressentent tout intensément. Il les décrit d’ailleurs comme des êtres qui souffrent tellement qu’ils ne peuvent pas respirer le jour (“can’t breath in the sunlight”) mais qui peuvent trouver du réconfort la nuit quand le monde est silencieux. L’ambiance générale de cette chanson, la relation entretenue avec la vie nocturne et le symbolisme de la lune se rapprochent du travail de deux autres rappeurs à savoir  Kid Cudi et Gringe. Ceci montre d’autant plus que le rappeur coréen n’est pas le seul à expérimenter cette solitude d’où l’importance de son message. Un conseil qu’il donne à tous les autres “moonchild” et de montrer de l’empathie et de comprendre qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation.

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Néanmoins, malgré son message d’espoir et les efforts que l’artiste fait pour s’en sortir, il ne cesse de ressasser ses mauvaises pensées. C’est ce que l’on retrouve dans l’interlude Badbye dans lequel il parle d’une rupture qui l’affecte encore. Il montre sa difficulté à avancer et à penser à autres choses par les répétitions des paroles et du rythme. Ces derniers apportent un effet d’écho, traduisant alors ce retour éternel au même point. Il tentera de résoudre ces problèmes dans les deux chansons qui suivront à savoir Everything goes et Uhgood en adoptant deux approches différentes. Dans la première, il traite de la thématique du temps. Ce dernier est complexe puisqu’il permet à la fois de tout guérir mais rend également le futur et ses événements inévitables. L’artiste comprend ainsi qu’il ne sert à rien de chercher à fuir son destin en se réfugiant dans son passé car il viendra qu’on le veuille ou non. Il voit aussi dans le temps l’antidote qui le guérira de la tristesse liée à sa rupture. Dans Uhgood qui signifie “tout est bien” mais qui en coréen a aussi le sens de “aller à contre courant”, Namjoon va faire face à lui-même pour cerner son identité et apprendre à s’aimer.

Enfin, l’album s’achève avec Forever rain qui sert de résumé à l’album et montre que le leader a appris à se connaître durant son processus d’écriture. Son caractère triste et solitaire fait partie à part entière de sa personne et il l’accepte enfin. Il explique alors dans cette chanson qu’il aimerait qu’il pleuve tout le temps car il a l’impression que quelqu’un d’autre pleure pour lui et que le monde entier est une personnification de ce qu’il ressent. Cette première partie fait ainsi référence à son titre Séoul dans lequel il voit la ville comme une personnification de son âme. De même, il rappelle le morceau Moonchild dans lequel il montre qu’il ne se sent lui-même que quand il fait nuit. Ici, le temps pluvieux  permet l’installation de cette nuit par les couleurs bleutés et grisâtres qu’il apporte. Ce titre reprend aussi la thématique principale de Everything goes en stoppant le temps par la phrase “ slow rap, slow jam, slow rap, everything slow” et en ralentissant le rythme. Il peut ainsi en contrôlant le temps faire une introspection à savoir celle réalisée dans Uhgood.

 

 En conclusion, MONO est un album complet dans lequel on peut observer une évolution de l’artiste sans pour autant que ce dernier ne délaisse tout ce qui a fait sa première mixtape, à savoir son écriture, son flow et plus particulièrement ses jeux de mots et réflexions. Cependant, dans MONO, RM change de production musicale en optant pour un côté plus calme, lent et planant que son opus précédent qui concorde bien avec les thématiques abordées et le côté intime qu’il tente d’établir avec ses auditeurs.  L’album possède une ligne directrice claire où les morceaux se complètent et se répondent les uns aux autres. Ainsi les titres sont tous différents et permettent à la fois de donner une cohérence et ambiance particulière à l’œuvre. 

                                                                                                                                                        Zrid Kenza